Tout comme Rome, une collection de vinyles ne se construit pas en un jour
Bien plus qu’une simple énumération, c’est avant tout l’histoire d’hommes ayant mis de l’argent, du temps et de la passion pour entreprendre cette tâche de longue haleine.
Tout commence à Pittsburgh en Pennsylvanie avec l’ancien lauréat de la plus grande collection de vinyles au monde :
Paul Mawhinney: Le roi déchu du vinyle
C’est un homme de musique, à la fois disquaire, producteur, lanceur de carrière, fabricant de vinyles, influenceur. Il a gravité littéralement autour de l’univers de la musique.
En 1951, à l’âge de 12 ans, il achète son premier collector. C’est là que la fièvre d’achat de disques commence. Modérée à ses débuts, elle grimpe sans limites au fil du temps. Mais le véritable déclic se fait en 1968, lorsque Paul ouvre sa propre boutique baptisée Record-Rama et se lance corps et âme dedans. Il ne se contente pas de vendre des vinyles aux consommateurs ou de fournir les Dj’s. Il fouille, tchatche, déniche et achète des tonnes et des tonnes de vinyles. Il rachète des vieux labels abandonnés et réalise des rééditions dont certaines majors ne possèdent même plus les masters originaux. Il devient vite un référence indispensable dans les années 70-80.
Pendant plus d’un demi-siècle, Paul Mawhinney a donc amassé jusqu’à 3 millions de vinyles dans ses réserves de Pittsburgh. En 1997, sa collection est estimée à 28,5 millions de dollars pour 750 000 références et 28 000 labels. Malheureusement, 2008 sonne la fin. Record-Rama ferme ses portes. Paul ne peut plus continuer physiquement. Aveugle et diabétique, il se déplace difficilement. Il veut trouver un repreneur.
Malgré plusieurs tentatives de rachat, rien ne bouge. Il perd espoir et décide donc de se séparer d’une partie de sa collection en la vendant à des particuliers. Il passe de 3 millions de galettes noires à un peu plus de 2 millions. Cela représente quand même 350 m linéaire d’étalage par genre.
Sur l’extrait suivant, Paul : le roi du vinyle de l’époque retrace son passé et regarde l’étendue de son funeste royaume.
The Archive from Sean Dunne on Vimeo.
Ce n’est que dernièrement, en 2014, qu’il reçoit enfin une offre concrète émanant du Brésil.
Le roi est mort !
Vive le nouveau roi du vinyle
Zéro Freitas est un riche brésilien de 62 ans ayant fait fortune dans les transports routiers. Il acquiert la fameuse collection du roi déchu. Mais à l’inverse de Paul Mawhinney, le nouveau roi du vinyle n’est pas une personne du milieu mais bien un simple passionné avec un tout petit trouble obsessionnel, compulsif et chronique d’achat de vinyles.
Son obsession remonte à l’âge de 5 ans lorsque son père achète une stéréo avec des vinyles. Au lycée, le jeune Zéro possède déjà 3 000 albums. A l’âge de 30 ans, il en est à plus de 30 000 pièces. Au fur et à mesure des années, il n’oublie pas sa passion et continue d’étoffer sa collection pour posséder, aujourd’hui, un trésor incalculable.
De ce fait, Freitas ne peut qu’estimer à peu près sa collection; d’autant qu’il persiste à acheter des quantités astronomiques de vinyles à travers le monde. En plus de l’achat de la collection de Paul Mawhinney, il a acquis celle de Murray Gershenz ; également collectionneur de 2 000 000 de pièces sur Los Angeles (un documentaire lui est consacré en 2011 et s’intitule : Music Man Murray). Imaginez la chose !
Pour stocker tous ses vinyles, il a dû acheter un hangar de 25 000 m² !
– C’est sûr, cela prend un peu plus de place qu’un disque dur –
Ce Brésilien n’est vraiment pas comme les autres. Contrairement au collectionneur traditionnel qui se focalise seulement sur certaines pièces (selon un genre, une époque, un groupe, …), Freitas veut tout emmagasiner… TOUT ! Il veut détenir toute la musique du monde ! On pourrait croire, au premier abord, que c’est égoïste de sa part mais se serait mal connaître le personnage. Freitas a un esprit ouvert et clairvoyant. Il est préoccupé par l’avenir de ces disques qui n’existeront plus une fois que le monde les aura oubliés; d’autant plus que 80% de la musique enregistrée à partir de la moitié du 20eme siècle n’a été listée nulle part.
Dans cette optique, il a donc recruté une douzaine de personnes pour l’aider à organiser sa dantesque collection. Leur rôle consiste à exhumer les albums, les nettoyer, les prendre en photo et les répertorier dans une banque de données numérique.
A partir de là, nous pouvons nous poser des questions sur plusieurs points :
Doit-on conserver la collection dans un seul et même endroit ou la dispatcher entre différentes mains? En poussant le sujet, doit-on créer un répertoire universel de musique? Si oui, la question de la dématérialisation des supports se pose. Doit-on en finir avec les objets ?