Dans notre tour du monde à la rencontre des collectionneurs de disques vinyles, on s’est arrêté à Washington pour s’entretenir avec Jenn. Travaillant pour Furnace Record Pressing, propriétaire du blog Women In Vinyl et grande fan de Black Sabbath, Jenn a gentiment pris le temps de partager son histoire avec nous. Nous avons parlé musique, de son projet, collection de disques et de ce que c’est d’être une femme dans l’industrie du vinyle. Elle a partagé avec nous son très intéressant point de vue sur ces sujets. Il est temps maintenant de découvrir sa fascinante interview !
Est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ?
Hey! Je m’appelle Jenn D’Eugenio, j’ai vécu un peu partout mais je suis revenue dans la région de Washington avec mon partenaire Ray (@rayblev sur IG) où nous travaillons chez Furnace Record Pressing (@furnacemfg sur IG). Je suis chargée de compte là-bas, alors si vous avez besoin de presser des vinyles, faites-le moi savoir ! J’ai également un blog intitulé « Women in Vinyl » (@womeninvinyl on IG) qui s’efforce de mettre en avant les femmes travaillant dans l’industrie du vinyle.
Comment et quand as-tu commencé à collectionner les disques vinyles ?
J’ai grandi avec les disques vinyles, mais j’ai commencé à acheter et à « collectionner » mes propres disques quand j’étais au lycée. Ray et moi avons fusionné nos collections et en avions environ 3000 disques la dernière fois que nous avions vérifié, sans compter les 45 tours, mais nous n’avons pas non plus cessé de les acheter.
Quel déclic t’a fait aimer la musique ?
Je ne peux pas identifier l’un des éléments principaux de mon intérêt pour la musique, ça toujours été une partie de ma vie. Quand j’étais jeune, nous vivions à San Francisco et assistions à de nombreux festivals où je m’exposais à la musique. Je me souviens toujours de mes parents et de mes grands-parents qui écoutaient de la musique. Quand j’avais trois ans, j’ai commencé à faire du ballet parce que j’étais timide, ce que j’ai poursuivi pendant de nombreuses années. Une grande partie de ma vie a donc été menée par la musique.
« Je préfère le son et le rituel de la lecture d’un disque aux autres formats
Des aptitudes musicales particulières ?
Mon père jouait de la guitare, ma mère jouait de la musique et chantait, nous avons toujours eu un piano que ma sœur jouait et je jouais de la clarinette au collège. À part ça, je ne joue pas de musique. Je n’ai jamais été passionnée par jouer de la musique; l’appréciation en tant qu’auditrice a toujours été ma place.
Tu te rappelles de ton premier vinyle acheté ?
Led Zeppelin. Je n’ai pas acheté qu’un seul disque ce jour-là, mais Houses of the Holy est le premier album dont je me souviens avoir acheté.
Quel genre de musique on jouait à la maison quand tu étais petite ? Tes parents avaient des disques ?
Toutes sortes de choses, et oui, mes parents avaient des vinyles. Ils ont joué de tout, de The Temptations à la Motown , de Willie Nelson, Frank Sinatra à Tony Bennett, mon père aussi, aimait le Jazz.
Est-ce que tu collectionnes un style en particulier ?
Je collectionne tous les types de musique et j’écoute tous les genres. La plupart de ce que je partage avec le public via mon compte Instagram est du Stoner Rock, Doom et des trucs de type Psych, mais ça ne représente pas l’étendue de ce que je possède ni ce que j’apprécie le plus, c’est juste le plus gros morceau.
Ta plus belle trouvaille ?
Mes différentes versions de Black Sabbath « Master of Reality », des anciennes compilations de Sabbath, et Ray et moi-même avons trouvé le pressage original de Coven, « Witchcraft Destroys Minds & Reaps Souls » lors d’une brocante, c’était donc assez fou.
Des regrets à propos d’un vinyle que tu as perdu ou que tu n’as pas acheté ?
Pas de regrets, non. Je n’ai jamais perdu un disque à moins qu’il ne soit rangé au mauvais endroit dans l’étagère (histoire vraie, haha). J’essaie de garder la mentalité que si tu vois et que vous tu as de l’argent pour l’acheter, achète-le disque, car tu pourrais ne pas le revoir d’aussitôt. Généralement, lorsque je suis en train de chiner, j’essaie toujours d’avoir un budget réservé aux disques qui pourraient apparaître comme un saint Graal, de sorte à ce que je n’ai pas à laisser un bon vinyle derrière. Ceci étant dit, il arrive que les prix soient hauts que je dois les laisser, et dans ce cas, je ne peux regretter.
Une anecdote intéressante à propos de ta collection ?
J’essaie de rassembler toutes les versions de « Master of Reality » que je peux trouver. Même si la pochette est la même, si le pressage est différent, j’en veux une copie. J’aime les rechercher et j’aimerais pouvoir toutes les cataloguer. C’est tellement intéressant de voir combien de versions ont été pressées et comment la pochette et le label ont changé avec certaines éditions. C’est évidemment aussi mon disque préféré de Black Sabbath.
Quel est ton dernier achat de vinyles ?
Il s’agit de 2 disques live, l’un est Monkey 3 – Live at Freak Valley Limited Edition et l’autre, My Sleeping Karma Mela Ananda – Live. Les 2 sur le label Napalm Records.
Y a-t-il un artiste ou un label en particulier dont tu essayes d’avoir la discographie complète ?
Je collectionne la discographie de RidingEasy Records, je suis sur le point de tout avoir et je suis sur le point de faire la même chose avec El Paraiso. Plein de bonnes choses sortent de ces 2 labels.
C’est la fin du monde, je sais, c’est terrible mais tu ne peux prendre que 5 vinyles avec toi! Lesquels et pourquoi ?
En fait, je suis la pire dans ce genre de choses. C’est trop définitif et je n’ai aucune idée de ce que je voudrais si le monde se finissait ! Cela dit, au risque de paraître redondante, je prendrais certainement tous mes Black Sabbath et les jetterais dans une grosse valise. En dehors de ça, il est fort probable que Causa Sui, Elder, Earth, Earthless et Uncle Acid soient aussi parmi ceux qu’il serait important de garder.
Édition originale ou réédition ?
L’un ou l’autre ou les deux. J’aime les versions originales et pour certaines d’entre-elles, je pense que je dois les avoir. Pour les autres, je suis d’accord avec une réédition, cela dépend de la version.
Quel genre de digger es-tu ? (en ligne, disquaire, brocante, vide-grenier…)
Tout ça. J’achète en ligne certaines nouveautés, en particulier quand elles proviennent directement du groupe ou du label. Une grande partie de la musique que j’aime ne se trouve pas chez le disquaire du coin, ce qui me permet de soutenir directement les groupes et les labels. J’utilise Discogs quand je veux quelque chose que je ne trouve pas localement ou que j’ai découvert trop tard, je l’utilise aussi pour des versions spécifiques que je recherche. Cela dit, nous soutenons toujours les disquaires locaux. Parfois, lorsque nous voyageons, c’est la raison principale pour laquelle nous allons quelque part et la première chose que nous planifions. Nous avons toujours aimé les marchés aux puces. Et quand j’étais au lycée, Emmaüs était une mine d’or mais ce n’est plus vraiment le cas.
Penses-tu que collectionner les vinyles aide à la préservation de notre héritage sonore et culturel ?
Oui! Pour moi, les disques ressemblent aux livres dans la mesure où c’est une capsule temporelle, une histoire et une expérience… comme lorsque tu posais la question sur l’édition originale ou la réédition; chaque version peut raconter une histoire, peut-être que le vinyle est un pressage original transmis avec le nom de quelqu’un écrit sur l’étiquette centrale, ou une certaine usine de pressage inscrite sur le deadwax (partie du disque entre la dernière chanson et le label, ndlr); ou peut-être le disque a-t-il été réédité pour être partagé avec un nouveau public, le vinyle conserve la musique de telle manière qu’elle soit transmise et conservée avec soin et importance différemment des autres supports.
Qu’est-ce qui t’attires dans le disque vinyle ?
La musique gravée dessus ! Je préfère le son et le rituel de la lecture d’un disque aux autres formats.
Comment organises-tu ta collection de disques ?
Genre → Alphabétique → Chronologique
Black Sabbath | Riding Easy | El Paraiso et les bandes originales de films sont tous dans leurs propres sections en raison de la quantité; et puis les compiles vont à la fin du genre dont elles font partie. Cela semble fou, je sais, je suis une organisatrice, mais tu peux toujours trouver ce que tu recherches.
Si ta collection pouvait parler, elle dirait quoi de toi ?
Tout si tu regardes avec attention, tous les disques que je possède représentent un moment de ma vie ou une chanson que j’aime.
Ton installation actuelle à la maison ?
J’avais une 1200 et une Audio Technica avant de fusionner nos collections. Avec Ray, en tant que DJ, nous avons maintenant cinq 1200 et nous avons également ajouté une Numark portable. Nous utilisons des enceintes Klipsch dans notre espace d’écoute principal. Aucun de nos équipements n’est trop sophistiqué, et nous ne sommes pas des amateurs d’hi-fi, une platine de qualité solide qui fait son travail, ainsi que de bonnes enceintes me conviennent parfaitement.
« […] le vinyle est un support qui devrait être célébré et nous devrions respecter tous ceux qui participent à son essor, peu importe qui ils sont et quelle que soit leur participation […]
Tu disais dans ta story Insta, je cite : « Parfois, être une femme collectionneuse de disques vinyles est difficile, personne ne nous prend au sérieux ! » Pourquoi penses-tu ça ?
Eh bien, des gens m’ont fait remarquer que je devais publier la « collection de vinyles de mon mec », ce qui est faux, alors que nous avons des intérêts croisés, nos intérêts pour des types spécifiques de musique sont différents. Je collectionne depuis plus de 18 ans, et Ray aussi (plus quelques années, il est un peu plus âgé que moi). Ce qui est nouveau dans la collection de disques vinyles c’est la dimension de partage sur les réseaux sociaux, pas le fait d’acheter des disques.
J’ai vu des gens chez les disquaires me traiter différemment quand je leur demandais quelque chose, comparé à quand Ray le faisait. Je reçois des messages de personnes qui me testent sur des choses que je poste sur Insta comme si je ne connaissais pas ou n’écoutais pas ces groupes. Une fois un gars m’a traité de tous les noms (que je ne pourrais même pas dire ici) en me disant « … tu ne mérites pas d’écouter Alice Cooper, tu as probablement juste acheté ce disque pour le poster sur Insta »
Il y a aussi quelqu’un qui me disait qu’il était impatient de me voir morte pour que toutes mes versions de Sabbath puissent aller à des gens qui les méritent. Un tel commentaire, j’imagine, ne peux qu’être écrit sous le coup de la jalousie. J’ai reçu énormément de soutien de la part de la communauté lorsque cela s’est produit, mais c’est toujours décourageant. Cela va aussi plus loin que les médias sociaux, mais ceux sont quelques exemples faciles à retenir. Je me rends compte que cela ne représente pas la majorité mais c’est un problème.
Sur ton compte Insta, tu parles aussi de ton projet @womeninvinyl qui a pour but de redonner la parole et de mettre en avant les femmes de l’industrie du vinyle ! Tu peux nous en dire un peu plus et pourquoi cette initiative ?
Ça va être une longue réponse…
La collection de disques vinyles est un passe-temps et un terrain dominés par les hommes, je ne peux pas vous dire honnêtement pourquoi. Les filles collectionnent des disques et les femmes se lancent aussi dans des domaines tels que l’ingénierie audio; Je ne sais donc pas vraiment d’où vient ce clivage, à part peut-être du Homme vs. Femme que l’on connaît depuis toujours.
Cela dit, j’ai toujours été « l’un des gars, mais avec la « résurgence du vinyle, je pense que c’est plus évident et plus largement ressenti. Peut-être que les gens ont l’impression d’avoir quelque chose à prouver, je ne sais vraiment pas.
Il y a quelques mois, un « meme » ridicule circulait sur les réseaux sociaux, c’était non-stop, tout le monde l’a posté. C’était un couple des années 1950 assis dans leur salon, le gars avait un disque dans la main et sa bulle disait quelque chose de spécifique sur la version d’album qu’il tenait. La femme qui tricotait répondit : « Chérie, je n’en ai rien à foutre ». Ça m’a énervé, vraiment beaucoup… Normalement, ce genre de trucs me laisse indifférente. Je pense que c’est parce que j’ai compris le sentiment; si j’avais raconté quelques anecdotes précises sur la gravure d’un vinyle, à des amis par exemple, ils auraient répondu qu’ils s’en foutaient. Mais le fait que ce soit une femme qui tricote, que personne n’ait pensé que ce n’était pas une bonne chose de représenter la femme ainsi et que le meme a continué d’être reposté m’a vraiment irrité. J’ai découvert par la suite que je n’étais pas la seule femme à en avoir marre de le voir et j’ai donc pensé à changer ça en voulant parler des femmes qui travaillent dans les coulisses de l’industrie. Parler de celles qui changent la donne dans la création et la préservation de ce support.
Je suis tellement reconnaissant que l’équipe de Furnace m’ait donné ma chance, n’ayant aucune expérience dans la fabrication du vinyle avant de travailler là-bas. Mis à part le fait que je mange, dors et respire des disques (c’est le type de personne qu’ils cherchaient dans la description du poste). Ils m’ont dit à plusieurs reprises, avant que je ne commence, que la fabrication n’était pas glamour, et bien qu’ils aient raison, chaque jour, je ne perds pas de vue que j’aide les gens à mettre leur musique en vinyle. Certains jours, je vais au travail, je rentre chez moi et je continue à travailler jusqu’au coucher car je veux être sûr que leur projet est conforme à leur vision et je sais que beaucoup d’autres femmes travaillent aussi dur.
La façon dont ce meme nous représentait n’était clairement pas la bonne. Certaines personnes ont aussi dit des choses négatives à propos de Women In Vinyl. Aujourd’hui, ce n’est plus les gars contre filles, ou les filles sont meilleures que les gars, c’est juste le fait que le vinyle est un support qui devrait être célébré et nous devrions respecter tous ceux qui participent à son essor, peu importe qui ils sont et quelle que soit leur participation, qu’il s’agisse de la fabrication, de la vente ou de la collection sans quoi une partie de celle-ci ne peut prospérer.
Une dernière chose à ajouter ? C’est maintenant ou jamais 😉
Je pense avoir tout dit ! Viens me dire hey et parle de musique avec moi sur Instagram.
Plus sur Jenn :
Instagram :
→ Personnel : @jennn_erator
→ Business : @womeninvinyl
Facebook page : @womeninvinyl
Site Web : womeninvinyl.com
Crédit photos : Avec l’aimable autorisation de @jennn_erator
Merci beaucoup Jenn pour cette interview. C’était très intéressant et j’espère sincèrement que ton projet « Women In Vinyl » aidera les mecs à changer la façon dont ils regardent les femmes qui partagent leur passion de la collection du vinyle ou qui bossent dans l’industrie du vinyle ! 😉